A toi, Caro.
La copine pas si proche mais avec qui nous avions des choses à nous dire. Des
choses spéciales, pas données à tout le monde, à propos d’humanité, de travail de
mémoire, du souvenir. J’aime croire que la vie ne fait pas les choses par
hasard. Je voulais présenter ton mec au mien, vous n’avez jamais pu venir
ensemble.
Forcément il
était toujours fourré à des concerts. Avec toi, en général. Mais heureusement
pas cette fois. Il était seul, au Bataclan ce vendredi 13, ironiquement déclaré
journée de la gentillesse.
Sans toi
mais avec 3 amis qui eux s’en sont sortis. Il n’a pas eu cette chance.
Et il aura
fallu 36h pour le savoir. Pour l’identifier. 36h pendant lesquelles tu n’as pas
quitté mes pensées agitées.
Je pense à
la femme, à l’amoureuse, à la mère dont la vie bascule et qui se retrouve face
à ses 2 enfants. Que leur as-tu dit pendant cette interminable attente ?
Comme j’ai voulu t’envoyer des ondes et de la force pendant ces heures où j’ai
imaginé ce que tu pouvais ressentir. Ou j’ai pensé pour toi, où mon cerveau a
imaginé en boucle tous les scénarios possibles comme tu as dû le faire. Le
pire. L’espoir. Mon cœur a été ballotté solidairement avec le tien que j’imagine
aujourd’hui brisé.
J’ai pensé à
Chris, aussi, que je regrette de ne pas avoir mieux connu mais dont j’ai profité
virtuellement par les réseaux sociaux. Dont on percevait les qualités dans le
sourire… et quel sourire, transpirant de bienveillance. Et aujourd’hui, par le spectre de ce qui vous arrive, je pense d'une manière épouvantablement concrète aux victimes, et à
lui dans l’horreur. A ce qui s’est passé dans cette salle, aux questions qui t’assaillent
déjà peut être, ou qui viendront bientôt te hanter. A-t-il souffert ? Le lâche
terroriste l’a-t-il regardé avant de prendre sa vie et la vôtre ? A-t-il
compris ce qui se jouait ? Des
questions que je me suis posées à la mort de mes parents, me demandant à quoi
on pense quand on sait qu’on va mourir. A ses enfants, quand on en a, sans
doute.
Et aux vôtres,
comme j’y pense. Des enfants, encore petits, qui grandiront sans papa. Mon cœur
de maman se serre. J’ai tellement pensé que ça pouvait m’arriver, à moi. On
pense toujours à soi dans la peur quand on fait partie de ceux qui restent. La vie
fait qu’en me prenant 4 personnes parmi mes plus proches en quelques années, j’ai
la mort à l’esprit. Tout le temps. Chaque jour.
Oh je vous
rassure, je ne suis pas quelqu’un de morbide, loin de là. Toi non plus Caro, tu
ne l’es pas et je sais que tu ne le seras pas. Ne serait-ce qu’en mémoire de Chris
qui représentait le kiffeur de vie comme personne, entre musique et moto.
Je ne suis pas morbide mais je fais partie de ceux qui savent. Qui savent, vraiment, profondément, que la mort peut être là, à tout moment, prendre n’importe qui, n’importe quand.
Pour me le
rappeler au cas ou, hein, je collectionne les vanités : mon salon est
plein de têtes de morts qui me disent tout bas « Memento mori » :
souviens toi que tu vas mourir. Un Carpe Diem prônant humilité et hymne à la vie. Une expression qui en définitive dit aussi "souviens toi de vivre".
Sure que toi
Caro tu n’y pensais pas. A la mort. Comme ça. Ce soir là. Sure que personne en
allant au concert ou manger un bout, ou boire un verre n’imaginait cette
tragédie. Ce soir là. Caro, j’imagine ton désarroi.
Car si l’on
sait tous confusément que la vie débouche inéluctablement sur la mort, cela
reste quand même un tabou. Une idée qui dérange, un sujet de déni assez
profond. Que l’on se prend aujourd’hui en pleine face. Car comme toujours, il
faut un électrochoc pour envisager l’impensable.
Un ex avec
qui je suis toujours en relation a retrouvé sa nouvelle copine avec qui il
allait (enfin) se poser pour construire, morte dans son lit alors qu’il passait
chez elle récupérer un truc. Bim ! Problème cardiaque. Et choc traumatique
pour lui, cela va sans dire.
Une amie, la
trentaine, a assisté impuissante au décès de son compagnon après avoir appelé
les pompiers dans la nuit pour ce qu’elle croyait être une crise d’épilepsie.
Rupture d’anévrisme.
Ma cousine a
perdu son mari qui m’était extrêmement cher dans une avalanche, la laissant
avec leurs 3 enfants. Pfiooou ! Comme ça, dans un claquement de doigts.
Une autre a
vu son mari partir de maladie quelques semaines après avoir donné naissance à
leur petite fille.
Ca arrive. Plus souvent qu'on ne le croit.
Ca arrive. Plus souvent qu'on ne le croit.
Et
maintenant toi, vous. Comme un insidieux rappel… mais un rappel à aimer.
Voilà
ce que m’a appris la douleur de la perte. A prendre toute la dimension d’une expression
comme « la vie est trop courte ». A penser à toutes les choses que je
n’ai pas dites ou demandé à mes parents. A cette petite voix qui ne me quitte
pas, Memento mori, qui fait que je
prends soin de toujours finir une conversation avec amour dans le cas où ce
soit la dernière. Presque toujours. Oui j’y pense quand mon mec part
travailler, oui je me dis presque à chaque fois que je lui parle que c’est peut-être
la dernière. Oui c’est un peu bizarre pour la plupart des gens, plus
insouciants, à qui je me confie et qui pensent parfois que cela doit être lourd
à porter, comme une angoisse permanente. Mais non, au contraire. C’est plutôt
un état d’alerte qui fait de toute façon partie de moi. Et en même temps, un appel à plus d’amour, à moins de disputes futiles, à plus d’intelligence, à plus
de valeur accordée aux mots.
Plus de
valeur accordée à la vie. A l’autre.
Plus d’humilité, de distance. Relativiser,
c’est ce qui m’a permis de « survivre » à 4 deuils familiaux que j’ai du affronter en
2 ans, suivis par ceux mentionnés ci-dessus. Qui m’ont appris à anticiper les
regrets. A dire et faire les choses quand il est encore temps.
Alors oui, j’ai
pleuré Caro, et je suis accablée pour toi, par procuration, mais je compte bien
tenter de transformer cette souffrance en encore plus de mieux, de meilleur. Et
à t’en donner. A peut être t’aider à voir le chemin, le seul, non pas celui de la haine
et de la colère, nécessaires un temps, mais bien celui de l’amour. Celui que
Chris et toi suiviez. Et pour lui rendre hommage, pour donner un visage aux victimes, plus humaines que jamais et vivantes dans le cœur de leurs proches, je partage tes mots et les
siens, magnifiques, mêlés en un statut que tu nous a dignement livré.
« Chris
avait dit qu'on se reposerait quand on serait vieux. Qu'il ne fallait pas rêver
sa vie, qu'il fallait réaliser chacune de ses envies. Profiter de ceux qu'on
aime tout le temps, tous les jours. Laisser tomber ce qui nous éloigne de
l'essentiel. Qu'un jour oui ce serait comme ça ce serait fini. Malheureusement
c'est fini. Il a été tué au Bataclan. Là où nous avions vu ensemble notre
premier concert avant d'en voir 1000 autres. Le dernier ensemble c'était aussi
Eagle of Death Metal il y a quelques mois et ce soir on allait voir Foo
fighters avec notre bande d'amis que j'aime et que j'adore dont 3 sont rescapés
de la tuerie. J'avais décidé de louper exceptionnellement le concert de
vendredi. Merci à tous de vous êtes démenés pour le retrouver, votre soutien a
beaucoup compté ce week-end. Chris vous aurait dit you rock guys. »
Je pense à
toi Caro. Je serai là, si tu veux, dans l’ombre. Je ne suis pas ta plus proche
mais je sais que contrairement à ce que l’on entend souvent, le temps n’efface
pas la douleur. On le sait quand un être nous manque : plus le temps
passe, plus cela fait longtemps qu’il nous manque.
Alors je
serais là, toujours.
J’ai déjà
parlé d’absurdité après Charlie (c’était ici). Là oui, je
parle de la mort.
Et j’inviterai toujours les gens, mes proches et vous qui me
lisez, à entendre ce message, même s’il dérange : tout peut s’arrêter,
basculer demain. Pour tous.
Aimons-nous,
disons-le nous.
Donnons tout, disons tout si on le ressent, ca ne peut pas être mal pris.
Oublions la fausse pudeur.
Donnons tout, disons tout si on le ressent, ca ne peut pas être mal pris.
Oublions la fausse pudeur.
On ne dit
jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime.
Chris, Caro, je vous aime.
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